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Messier 1

Vestiges de Supernova M1 (NGC 1952) dans le Taureau

Nébuleuse du Crabe

[m1.jpg]
Ascension Droite 05 : 34,5 (h:m)
Déclinaison +22 : 01 (deg:m)
Distance 6,3 (kilo.al)
Magnitude 8,4 (visuelle)
Dimension 6x4 (min. d'arc)

Découverte en 1731 par l'amateur Anglais John Bevis.

La Nébuleuse du Crabe est le plus connu et le plus remarquable vestige de supernova, nuage de gaz en expansion créé par l'explosion d'une étoile, phénomène observé en l'an 1054 de notre ère.

Cette supernova, enregistrée au 4 Juillet 1054 par les astronomes chinois en tant qu'étoile nouvelle ou "invitée", fut environ quatre fois plus brillante que Vénus, avec une magnitude estimée de -6. Selon des écrits elle fut visible 23 jours pendant la journée et 653 jours à l'œil nu de nuit. Il est probable qu'elle fut aussi remarquée par les artistes Indiens Anasazi (aujourd'hui Arizona et Nouveau-Mexique), comme l'indiquent les découvertes de Navaho Canyon et de White Mesa, en Arizona, ainsi que celles du Parc National de Chaco Canyon, au Nouveau Mexique ; des informations sur les recherches peuvent être obtenues sur le site Internet de l'art Anasazi à Chaco Canyon. De plus, Ralph R. Robbins de l'Université du Texas, a trouvé une possible description de cet évènement dans l'art des Indiens Mimbres (Nouveau Mexique).

La Supernova de 1054 fut également cataloguée comme étoile variable CM Tauri. C'est l'une des quelques supernovae historiquement observées dans notre Voie Lactée.

Ce vestige nébuleux fut découvert en 1731 par John Bevis, qui l'ajouta à son atlas d'étoiles, Uranographia Britannica. Charles Messier, indépendamment, trouva cet objet le 28 Août 1758, et le prit d'abord pour une comète alors qu'il était à la recherche de la comète de Halley dont c'était le premier retour prévu. Evidemment il s'aperçut vite qu'il n'avait pas de mouvement propre décelable et l'entra dans son catalogue le 12 Septembre 1758. Ce fut la découverte de cet objet qui poussa Messier à commencer son catalogue, et ce fut lui, également, du fait de la trop grande ressemblance avec une comète dans sa petite lunette (1758 De la Nux, C/1758 K1), qui lui donna l'idée d'effectuer les recherches avec un télescope (voir sa note). Messier a reconnu la priorité de la découverte par Bevis lorsqu'il l'apprit par une lettre de 10 Juin 1771.

Bien que le catalogue de Messier ait été réalisé pour éviter des confusions entre ces objets et les comètes, M1 fut de nouveau prise pour la comète de Halley à l'occasion de son second passage prévu en 1835.

Cette nébuleuse fut baptisée le Crabe d'après un dessin réalisé par Lord Rosse vers 1844. Parmi les premiers observateurs, Messier, Bode et William Hershel remarquèrent très justement que cette nébuleuse n'était pas résolue en étoiles, mais William Hershel pensait qu'il s'agissait d'un système stellaire qui devrait pouvoir se résoudre à l'aide de télescopes plus puissants. John Herschel et Lord Rosse, par erreur, la considéraient "à peine résoluble" en étoiles. Ces derniers et d'autres, dont Lassell dans les années 1850, considéraient improprement les structures filamenteuses comme une indication de résolution.

Les observations spectroscopiques initiales, par exemple celles de Winlock, ont révélé la nature gazeuse de cet objet à la fin du 19ème siècle. Les premières photos de M1 ont été obtenues en 1892 à l'aide d'un télescope de 20 pouces (51 cm). Les premières analyses approfondies de son spectre ont été réalisées en 1913-15 par Vesto M. Slipher (Slipher 1915, 1916) : il découvrit que les raies spectrales d'émission étaient divisées en deux. Par la suite il fut reconnu que la véritable raison en était l'effet Doppler, puisque certaines parties de la nébuleuse se rapprochent de nous (et donc leurs raies sont décalées vers le bleu), tandis que d'autres s'en éloignent (avec décalage vers le rouge). En 1919, Roscoe Frank Sanford (Sanford 1919) montra que le spectre était composé de deux éléments principaux : premièrement une composante rouge formant un réseau chaotique de filaments brillants, avec un spectre d'émission (incluant l'hydrogène) similaire à celui des nébuleuses diffuses gazeuses (ou planétaires), et deuxièmement un fond intense, diffus et bleuté, au spectre continu.

Heber D. Curtis, dans sa description de l'objet à partir de clichés de l'Observatoire de Lick, le classa à première vue en tant que nébuleuse planétaire (Curtis 1918), ce qui ne fut contredit qu'en 1933 ; cette classification erronée peut encore être rencontrée dans certains manuels récents.

En 1921, C.O. Lampland de l'Observatoire Lowell, alors qu'il comparait de très bons clichés de la nébuleuse obtenus avec leur télescope de 42 pouces (107cm), remarqua des déplacements et des changements importants, notamment en brillance, de certains éléments de la nébuleuse, comprenant des modifications considérables de certaines taches proches du couple d'étoiles central (Lampland 1921).

La même année, J.C. Duncan de l'Observatoire du Mt. Wilson compara des plaques photographiques, prises 11,5 ans plus tôt, et mit en évidence le fait que la Nébuleuse du Crabe était en expansion de 0,2" par an en moyenne ; un tracé rétrograde de ce mouvement a montré que l'expansion devait avoir commencé il y a 900 ans environ (Duncan 1921). Enfin, la même année, Knut Lundmark remarqua la proximité de la nébuleuse avec la supernova de 1054 (Lundmark 1921).

En 1942, à partir des recherches effectuées avec le télescope de 100 pouces (254 cm) au Mt. Wilson, Walter Baade put obtenir le chiffre plus précis de 750 ans pour l'expansion, ce qui donne une date de début aux environs de 1180 (Baade 1942) ; des recherches ultérieures améliorèrent cette valeur autour de 1140. La date réelle d'apparition de la supernova en 1054 montre que l'expansion a dû être accélérée.

La nébuleuse, constituée de la matière éjectée au moment de l'explosion, occupe aujourd'hui un volume d'un diamètre approximatif de 10 années-lumière et est toujours en expansion à la vitesse considérable de 1 800 km/sec. La notion de filaments gazeux et de "continuum de fond" a été photographiquement confirmée par Walter Baade and Rudolph Minkowski en 1930 : les filaments sont apparemment les restes des anciennes couches extérieures de l'étoile précurseur (la "pré-supernova" ou "progénitrice"), tandis que la nébuleuse bleutée intérieure émet une lumière continue, dite radiation synchrotron hautement polarisée, elle-même produite par des électrons de haute énergie (électrons rapides) dans un champ magnétique puissant. Cette hypothèse fut proposée en premier par l'astronome russe J.Shklovsky (1953) en accord avec les observations de Jan H. Oort et T. Walraven (1956).

Le rayonnement synchrotron existe aussi dans d'autres phénomènes "explosifs" dans le cosmos, par exemple dans le noyau actif de la galaxie irrégulière M82 ainsi que dans le jet particulier de matière de la galaxie elliptique géante M87. Ces propriétés remarquables de la Nébuleuse du Crabe sont aussi évidentes dans les images prises au Mont Palomar puis traitées par David Malin de l'Observatoire Anglo-Australien, ainsi que des images de Paul Scowen également obtenues au Mont Palomar.

En 1949 la Nébuleuse du Crabe fut identifiée en tant que puissante source de rayonnement radio, (Bolton et.al. 1949), nommée et enregistrée commeTaurus A (Bolton 1948), puis plus tard comme 3C 144. Le rayonnement X de cet objet fut détecté en Avril 1963 à partir d'une fusée à haute altitude de type Aerobee, avec un détecteur de rayons X développé par le Naval Research Laboratory, et cette source fut désignée Taurus X-1.

Des mesures effectuées pendant l'occultation lunaire de la Nébuleuse du Crabe le 5 Juin 1964, répétées en 1974 et 1975, ont montré que le rayonnement X provenait d'une région s'étendant sur au moins 2 minutes d'arc, et que l'énergie X émise est environ 100 fois supérieure à celle émise en lumière visible. Néanmoins, même cette dernière est énorme : à la distance de 6 300 années-lumière (considérée comme bien déterminée par Virginia Trimble (1973), son éclat apparent correspond à une magnitude absolue d'environ -3,2, soit plus de mille fois la luminosité du Soleil. Sa magnitude totale, incluant tout le spectre, a été estimée à 100 000 fois celle du Soleil, ou encore à 5x10^38 erg/s !

Le 9 Novembre 1968, une radio source pulsante, le Pulsar du Crabe ( aussi répertorié NPO532, "NP" pour NRAO Pulsar, ou PSR 0531+21) a été découverte dans M1 par des astronomes de l'Observatoire d'Arecibo à Puerto-Rico à l'aide du radio-télescope de 300 mètres. Cette étoile est l'élément de droite (au Sud-Ouest) de la paire visible près du centre de la nébuleuse sur notre photo. Ce pulsar fut le premier à être retrouvé dans la partie optique du spectre, lorsque W.J. Cocke, M.J. Disney et D.J. Taylor de l'Observatoire Steward à Tucson en Arizona remarquèrent que sa période d'émission était bien de 33,085 millisecondes comme le radio-pulsar observé au télescope de 90 cm (36 pouces) à Kitt Peak ; cette découverte s'est produite le 15 Janvier 1969 à 21h30m en temps local (soit le 16 Janvier 1969 à 03h30m UT, selon Simon Mitton). On se réfère parfois à ce pulsar optique en l'appelant CM Tauri, comme l'étoile variable de la supernova.

Il est maintenant prouvé que ce pulsar est une étoile à neutrons en rotation rapide : elle tourne sur elle-même 30 fois par seconde ! Cette période est très bien connue parce que l'étoile à neutrons rayonne dans pratiquement toute la gamme du spectre électromagnétique, depuis un "point chaud" de sa surface. L'étoile à neutrons est un objet extrêmement dense, beaucoup plus qu'un noyau atomique, et concentre plus d'une masse solaire dans une sphère de 30 km de diamètre. Sa vitesse de rotation décroît lentement du fait de l'interaction magnétique avec la nébuleuse ; ceci est la source majeure d'énergie qui provoque le rayonnement lumineux de la nébuleuse et, comme indiqué ci-dessus, cette énergie est 100 000 fois supérieure à celle du Soleil.

En lumière visible la magnitude apparente du pulsar est de 16. Cela signifie que cette très petite étoile atteint en gros une magnitude absolue de +4,5, soit à peu près celle de notre Soleil dans la partie visible du spectre !

Jeff Hester et Paul Scowen ont utilisé le Télescope Spatial Hubble pour explorer la Nébuleuse du Crabe M1 (voir aussi, par exemple, Sky & Telescope de Janvier 1995, p. 40). Leurs recherches approfondies avec le HST ont apporté un nouvel éclairage sur la dynamique et l'évolution de la Nébuleuse du Crabe et de son pulsar. Plus récemment, le cœur même du Crabe a été l'objet de recherches par des astronomes du HST.

L'intérêt suscité par cet objet a été tel qu'il a, dit-on, divisé les astronomes en deux groupes à peu près égaux : ceux qui, dans leur travail, étaient concernés par la Nébuleuse du Crabe et ceux qui ne l'étaient pas. C'est ainsi qu'un symposium sur la Nébuleuse du Crabe s'est tenu à Flagstaff, Arizona, en Juin 1969 (voir PASP Vol. 82 de Mai 1970 - Burnham). De son côté, le symposium UAI (Union Astronomique Internationale) No.46 à Jodrell Bank (Grande Bretagne) en Août 1970 fut uniquement consacré à M1. Simon Mitton a écrit en 1978 un très bon livre sur la Nébuleuse du Crabe, ouvrage encore tout à fait intéressant et bien documenté (il a d'ailleurs servi de référence pour certaines informations données ici).

La Nébuleuse du Crabe peut être trouvée sans difficulté à partir de Zeta Tauri (ou 123 Tauri), la "Corne Méridionale" du Taureau, une étoile de 3ème magnitude que l'on repère aisément à l'ENE d'Aldébaran (Alpha Tauri). M1 se trouve à environ 1 degré au Nord et 1 degré à l'Ouest de Zeta, très légèrement Sud à environ 1/2 degré à l'Ouest de l'étoile Struve 742, de magnitude 6.

Elle sera bien visible par temps clair et nuit sombre, mais on peut aussi la perdre facilement dans un environnement lumineux et des conditions peu favorables. M1 est juste visible comme une faible tache avec des jumelles 7x50 ou 10x50. Un grossissement un peu plus fort fait apparaître une tache nébuleuse ovale, entourée de brume. Dans des télescopes de 4 pouces (10cm) et plus d'ouverture, quelques détails dans sa forme deviennent apparents, laissant deviner une structure marbrée ou striée dans sa partie interne ; d'après John Mallas, avec d'excellentes conditions, un observateur expérimenté peut discerner ces détails dans toute la partie interne de la nébuleuse. L'amateur pourra vérifier l'impression de Messier que M1, dans un petit instrument, se présente en effet comme une faible comète sans queue. Ce n'est que dans d'excellentes conditions d'observation et avec des télescopes plus grands, de 16 pouces (40cm) ou plus d'ouverture, que l'on peut éventuellement entrevoir les filaments et les fines structures.

La Nébuleuse du Crabe, à seulement 1,5 degré de l'écliptique, est l'objet de fréquentes conjonctions dont parfois des transits de planètes, ainsi que d'occultations par la Lune (certaines mentionnées ci-dessus).

M1 est situé dans un joli champ étoilé de la Voie Lactée. L'étoile Zeta Tauri est remarquable en tant que variable de type Gamma Cassiopeiae, un astre en rotation plutôt rapide, de spectre B4 IIIpe, qui a éjecté une coquille de gaz en expansion, et possède un faible compagnon spectroscopique sur une orbite parcourue en 133 jours environ. Précédant M1 de deux minutes de temps (soit 1/2 degré) en Ascension Droite, se situe Struve 742 ou ADS 4200, une autre binaire visuelle dont les composants A (mag 7,2, spectre F8, de couleur jaune) et B (mag 7,8, blanc) sont séparés d'environ 3,6" avec un angle de position de 272 degrés, et qui orbitent l'un autour de l'autre en 3000 ans environ.

  • Historique des Observations et descriptions de M1
  • Images en rayonnement X et en visible mission ASTRO-1 de la navette spatiale (STS-35).
  • Images en Ultraviolet de la mission ASTRO-1.
  • Images de M1 (Chandra X-ray Observatory)
  • Images de M1 (ESO's VLT)
  • Autres images de M1
  • Images d'amateurs ; Autres images d'amateurs
  • Documents sur le Pulsar du Crabe.

    M1 par Bill Arnett : Page photo, Page info.

  • Base de données M1 (G184.6-5.8) de D.A. Green (Catalogue des vestiges de supernovae galactiques)
  • Documents sur la Nébuleuse du Crabe par l'équipe du Chandra X-ray Observatory.
  • Histoire de la Nébuleuse du Crabe par le Space Telescope Science Institute
  • Multispectral Image Collection of M1, SIRTF Multiwavelength Messier Museum
  • Images optiques du Pulsar du Crabe (Michael Richmond et KPNO)
  • Jack Schmidling's Crab Nebula page

  • Données sur M1 (SIMBAD)
  • Données sur M1 (NED)
  • Publications sur M1 (NASA ADS)
  • Rapports d'observations sur M1 (IAAC Netastrocatalog)
  • NGC Online data for M1

    Références : (Version originale)

    Autres Références et publications :


    Hartmut Frommert
    Christine Kronberg
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    Dernière modification : 4 Septembre 2005

    Traduction française
    Bernard Trézéguet
    29/10/98
    - 10/10/03 -
    12/09/06 -